La culture in vitro chez l'amateur
Date: 15 octobre 2005 à 00:00:00 CEST
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La culture in vitro chez l’amateur

Qu’est ce que la culture in vitro ? Comment procéder ? Quels tissus  utiliser ?

Telles sont les questions que mes amis et moi-même avons soulevées lors de nos premiers essais . Les livres de plantes carnivores, que l’on trouve dans le commerce, négligent ce type de méthode, bien souvent ils se contentent de mentionner les plantes susceptibles de donner de bons résultats en bouteilles. Les expériences dont je vais vous parler ont été réalisées sur des espèces appartenant à des genres différents : drosera, byblis, cephalotus, pinguicula,dionaea et plantes sensitives.

Tout d’abord quels sont les avantages à utiliser ce type de culture ?

-  si la désinfection des milieux a été faite le cultivateur ne verra jamais ses tissus nécroser du fait d’une attaque fongique, virale…

 

- les boutures ou graines pourront profiter d’une atmosphère où règne une humidité proche de 100 %.

 

- ces derniers se développeront sur des milieux riches en vitamines , en hormones de croissances, en antibiotiques, en sels minéraux…

- les milieux contenant des substances mutagènes, le cultivateur pourra espérer obtenir des mutations intéressantes, par exemple, au niveau du piège sur une dionée.

 

- la croissance des plantules est plus rapide (j’ai pu observer des différences en 12h).

 

- on peut mettre en bouteilles des plantes poussant sur tourbe qui ont été jugées trop faibles pour les faire croître et acquérir un peu plus de vigueur.

 

On pourrait trouver d’autres raisons mais celles-ci dépendront des attentes de chacun.

Les tissus et graines utilisés :

Je vais vous parler de celles que mon ami Laurent et moi-même avons testées.

 

Nous avons mis  dans 19 bouteilles du Drosera binata (des crosses), du Drosera capensis feuilles larges (en graines), du Drosera capensis ordinaires (en feuilles), du drosera burmanii géant et fleur rose (en graines), du Drosera enodes (des feuilles), du Byblis liniflora et gigantea (en graines), du Pinguicula caudata (des jeunes feuilles en formation), du weiser (des feuilles), du Biophytum sensitivum (en graines), de la dionée verte, de l’akai ryu et de la dionée normale (des feuilles).

Le procédé :

La préparation des bouteilles est la première opération. Nettoyez tout d’abord les bouteilles à l’eau chaude et au savon (elles doivent être parfaitement propres, la moindre saleté ruinerait vos chances).Vous introduirez ensuite du coton dans les trous ( il faut absolument acheter des bouchons percés)  des bouchons prévus à cet effet (ceci à l’aide d’un fil métallique plié en deux faisant office d’aiguille) il n’est pas nécessaire de remplir ces orifices entièrement. Puis vous préparerez des capsules de bouchon de champagne que vous fixerez sur les bouchons des bouteilles. Ces capsules de sûreté sont souvent utiles dans la mesure où elles retiennent les bouchons de caoutchouc ( ou de silicone) quand vous sortez les bouteilles de la cocotte  minute après la stérilisation. En effet pendant cette opération, l’air présent dans les bouteilles se dilate et entraînerait, sans sûreté, l’expulsion des bouchons. Les bouteilles fermées, vous les mettrez dans la cocotte minute avec un peu d’eau, vous fermerez cette dernière et vous laisserez stériliser un quart d’heure. C’est la stérilisation à vide.

 

 

 

Nous arrivons à présent à la phase deux.

La préparation de la gélose est l’opération la plus simple. Quand vous commandez des milieux in vitro vous pouvez les recevoir sous forme de poudre qu’il faudra chauffer avec de l’eau. Prenons un exemple :  pour une dose de 250 mL,  faites chauffez celle-ci dans 250 mL d’ eau déminéralisée(et stérilisée) au bain-marie sans faire bouillir le mélange. Ce chauffage est nécessaire pour casser le complexe. La poudre dissoute,  versez la solution dans les flacons dans lesquels vous placerez les tissus par la suite.

Les bouteilles prêtes (gélose et capsules de sûreté en place), vous stériliserez ces dernières 20 min dans la cocotte minute. C’est au moment où le sifflet se met en marche que l’on met le chronomètre en route ; ne dépassez pas cette durée pour ne pas détruire les éléments les plus fragiles présents dans la gélose comme les vitamines.

Notons quil ne faut pas que les bouteilles trempent dans l’eau ; si c’était le cas la gélose rentrerait en ébullition et les substances dont nous avons déjà parlées seraient détruites.

 

 

 

Nous arrivons à la phase trois.

Après avoir laissé reposer et gélifier les milieux, vous pourrez mettre les tissus et graines en place.

Le choix des graines et des tissus :

Les graines les plus simples à mettre en bouteilles sont celles de la taille du Byblis liniflora (1 mm). Celles de taille proche du Drosera capensis ne présentent pas plus de difficulté ; par contre les graines de grosseur égale à celles du Drosera burmanii ( 0.3 mm) quelque ne sont pas aisées à mettre en bouteilles. En effet, il est difficile de laver ces graines dans les trois solutions (dont nous parlerons plus tard) parce qu’elles coulent et il est difficile de les récupérer. Je vous conseillerais donc de vous abstenir de travailler avec ce calibre.

En ce qui concerne les feuilles, le choix de parties jeunes, en pleine formation semble être le plus judicieux dans la mesure où ces parties connaissent le plus de divisions cellulaires. Si vous voulez bouturer des feuilles de Drosera binata par exemple vous pourrez utiliser les crosses qui ne sont pas encore déroulées ; de même, pour le Drosera capensis ou rotundifolia vous utiliserez les feuilles encore repliées.

Si vous êtes en présence de feuilles de grande taille, vous couperez des morceaux d’un centimètre carré au niveau de la nervure principale de la feuille. Des morceaux de taille inférieure risqueraient de ne pas être viables.

Certains cultivateurs placent, les plantes destinées à la reproduction en in vitro, dans des endroits protégés des moisissures et autres pestes ( lieux plus ou moin stériles) pour augmenter leurs chances de réussite avec les boutures. Ces lieux peuvent être obtenus par filtration de l’air, désinfection à l’aide de gaz…

La mise en place des graines et des tissus :

Phase 1 : préparez votre plan de travail :

- disposez du papier absorbant imbibé d’eau de javel sur votre table.

- désinfectez les outils (ex : scalpel, pince à épiler, pipette,…) à l’aide d’alcool à 90° et disposez au centre de votre plan de travail un bec bunsen qui vous garantira une fois allumé une zone de stérilité de 15 cm de rayon autour du bec ;  c’est dans cette zone que vous effectuerez toutes les manœuvres. Notons qu’il faut porter des habits anciens ou une blouse afin de ne pas se salir avec l’eau de javel.

Phase 2 :

  -    préparez les trois solutions dont nous avons déjà parlé. La première est le mouillant, elle est destinée à nettoyer les tissus et les graines - elle est composée de liquide vaisselle et d’eau bouillie. La seconde est destinée à la désinfection - la plus simple à préparer est celle qui est composée d’eau de javel : vous diluerez 5 fois un petit volume d’eau de javel avec de l’eau déminéralisée (le volume d’eau de javel prélevé aura été dilué une première fois comme il est préconisé sur l’emballage, concentration d’eau de Javel indicative :5%). Notons que les réussites avec ce type de désinfectant sont faibles. En fait, ceci fonctionne très bien avec des graines mais mal avec des boutures. Enfin la troisième solution est la solution de rinçage- elle n’est composée que d’eau bouillie(stérile).

Phase 3 :

Nous allons commencer avec les graines :

Placez ces dernières dans une petite soucoupe avec le mouillant pendant 3min puis retirez ce mouillant à l’aide de papier absorbant.

Versez dans la soucoupe le désinfectant, laissez agir 1-2min en fonction de la taille des graines.

Rincez ces graines après avoir absorbé le désinfectant.

A présent il ne vous reste plus qu’à mettre les graines en bouteilles.N’oubliez pas de travailler à coté de la flamme et de désinfecter souvent vos outils, les lames de métal pourront être plongées dans la flamme après chaque manœuvre.

Continuons par les boutures de feuilles :

Trempez les feuilles dans les trois solutions dont nous avons déjà parlé pendant une durée équivalente ou légèrement plus élevée (environ 4min).

Mettez les en bouteille face interne contre le substrat.

La durée de désinfection est variable ; elle dépend du produit utilisé. Certains nécessitent une durée supérieur à 20 mn. Certains cultivateurs utilisent de l’hypochlorite de calcium, des désinfectants pour biberons de bébés…

Résultats des courses :

Avec l’utilisation d’eau de javel, j’ai perdu presque 70% de mes cultures ( seules de bouteilles de boutures ont prises, c’étaient du pinguicula weiser et les crosses de binata). Par contre, toutes les graines ont prises : des Byblis liniflora et des Droseras capensis feuilles étroites et velues ont germé en moins d’une semaine et croissent très rapidement. De même le Drosera burmanii géant et le spatulata kansai ont germé en moins de deux semaines et ont entamé leur développement. Quelques temps plus tard du Biophytum a pris.

J’ai de grandes espérances pour le Byblis gigantea.

Deux de mes amis ont eu moins de chance que moi mais leurs expériences permettent de conclure que l’utilisation de fongicides à la place du désinfectant est absolument sans effet sur la moisissure. De plus l’hypochlorite de calcium, très souvent utilisé pour l’in vitro, ne garantit pas de meilleurs  résultats. Il serait intéressant d’essayer une série de désinfectants successifs pour éliminer la moisissure et les autres maladies, combiner se l’eau de javel avec de l’hypochlorite de calcium, essayer de l’eau oxygénée avec de l’alcool, mais il faut faire attention que ces produits ne détruisent pas les tissus.

Je pense que les échecs subis proviennent en grande partie d’un mauvais choix des tissus (récoltés sur des plantes en contact avec des moisissures) et surtout de l’utilisation d’un désinfectant peu efficace ou trop efficace (certaines de mes boutures ont confit dans la javel). Comme vous le constatez  la culture in vitro n’est pas simple pour l’amateur. Les laboratoires utilisent cette technique depuis plusieurs années avec succès, c’est pourquoi je pense que nous la maîtriserons biens dans les prochaines années(avec du matériel spécialisé )

Leçons retenues lors de ces expériences :

- mettre une seule feuille en bouteille réduit vos chances ; elle peut échapper à la moisissure mais nécroser par la suite ;

- placer plus que trois grandes feuilles dans un flacon est dangereux dans la mesure ou une seule feuille peut contracter des champignons, ces derniers se transmettant au reste des boutures en peu de temps.

- quand vous installerez des Droseras en bouteilles, veillez à ce que les feuilles soient dénuées de proies ; en fait, les proies sont de véritables foyers à moisissure, surtout en fin de saison, en automne ;

- les graines de drosophyllum semblent ne pas être destinées à la culture in vitro d’après Peter d’Amato.

- ne pas faire confire les tissus dans le désinfectant ;

- vous pouvez installer en bouteilles des graines appartenant à des pygmées en utilisant de la javel comme désinfectant,  entreprise difficile pour les raisons que nous avons déjà citées.

Coûts engendrés par ce type de culture :

- les milieux coûtent à peu près  5 euros pièce ;

- une vingtaine de bouteilles plus les bouchons : 40 euros (il est judicieux de collectionner des flacons à épices de type Ducros).

- comptez des frais supplémentaires pour le gaz et les désinfectants.

La sortie des plantes de bouteilles :

Les plantes issues de cultures in vitro sont très fragiles au début. Rien que le fait de les placer à une humidité inférieur à celle qu’elles connaissaient en bouteilles risqueraient de les dessécher. Il est conseillé de ne changer qu’un paramètre de culture à la fois (soit la température, soit l’éclairage…).

Sortez les plantes délicatement des bouteilles sans arracher les racines (la gélose adhère assez peu aux poils absorbants). Placez les plantes dans leur pots définitifs ou sur des terrines, dans les deux cas veillez à ce que le substrat soit bien humide. Notons qu’il est utile de placer les pots sous une plaque de verre ou de plastique pour augmenter l’hygrométrie. La reprise est assez lente et peut aller jusqu’à plusieurs semaines. Les boutures de Drosera binata ont bien prises par contre les Drosera burmanii sont morts quelques temps plus tard. Ceux- ci étaient de petite taille et sans doute pas viables. J’avais du les sortir de bouteilles car ils commençaient à jaunir, je pense que la gélose que j’avais achetée n’était pas de bonne qualité bien qu’elle fut spéciale Drosera. Notons aussi que les plantules portant de toutes petites racines ( inférieur à 2.5-3 mm) prennent avec beaucoup de difficultés. Les sensitives comme le biophytum peuvent être mises en bouteille, elles produisent peu voir pas de feuilles, seules les racines se développent ( de 1à 2 cm). Généralement ces petites plantes reprennent bien mieux que des plantules sans racines et avec peu de feuilles. De plus en plus les amateurs utilisent deux milieux successifs, un dit d’enracinement et un dit de multiplication. On place graines et boutures dans le milieu de multiplication puis au bout de quelques semaines dans le milieu d’enracinement. Cette méthode augmente sensiblement les chances de réussite.

Conclusion
Les pertes  rencontrées  dans les premiers tempsquand les plantes sont encore dans les bouteilles, précèdent une série d’autres pertes à la sortie des flacons. Si vous débutez comme moi dans cette technique, faites plusieurs essais sur des plantes ne vous tenant pas très à cœur vous limiterez ainsi les déceptions. Par contre, je suis certain qu’après quelques échecs vous pourrez reproduire à loisir vos plantes préférées.

Texte et photos: Lionel Léopoldès, toute reproduction interdite sans l'accord de l'auteur








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